Innover en France : Mission Impossible ?

Arnaud Montebourg a de la voix et des choses à dire et il veut le faire savoir ! Serait-il en crise d’identité ou de confiance, veut-il réaffirmer son autorité et sa position de Ministre du Redressement Productif ? En tout cas, ces derniers jours, il ne manque pas de faire le buzz. On se souvient, début décembre, de sa rapide altercation sur Twitter avec Xavier Niel. Il lui reprochait la perte d’emplois dans le secteur des Télécoms à cause de l’offre low-cost de Free. En deux temps trois mouvements, le fondateur de Free l’a renvoyé dans les cordes et lui a renvoyé un uppercut bien placé : « Et votre bilan M. Le Ministre ? »

Aussitôt, le tweet d’Arnaud Montebourg a disparu. Grossière erreur de communication ! Sur les réseaux sociaux, il faut le savoir : rien ne se perd, tout se créé et tout se transforme ! Cet échange a fait les délices de la twittosphère durant quelques heures qui ont du paraitre longues, très longues à l’initiateur de cette petite discussion. On pourrait titiller le Ministre sur le fait qu’effacer son tweet une fois bâché par Xavier Niel fait tout de même « petite frappe », mais on retiendra plutôt la méconnaissance des politiques à l’égard des réseaux sociaux. Certes, ceux-ci l’utilisent beaucoup, mais rarement à leur avantage !

— Xavier Niel (@Xavier75) 10 Décembre 2013

Est-ce suite à cette petite défaite médiatique, qu’Arnaud Montebourg a décidé d’intervenir à LeWeb13 ? Si j’étais plutôt frileux par rapport à son intervention, notamment après avoir eu vent des différents comptes rendus à la radio et sur le Net, j’ai voulu me faire ma propre opinion. Je suis désormais moins critique. Si l’on considère qu’il n’était pas forcément dans son élément au milieu d’entrepreneurs en majorité du milieu numérique et multimédia, il s’est tiré de l’exercice avec un certain panache et un cabotinage qui lui ont valu quelques applaudissements.

Face à Loïc Le Meur, en maître de débat, Fabrice Grinda, co-fondateur de OLX, et Jeff Clavier, business angel de SoftTech VC, tous trois établis dans la Silicon Valley depuis quelques années, il était évident que le débat serait acéré et que les points de vue seraient plus que radicaux.

Ce que l’on peut retirer de ce débat et qui m’intéresse particulièrement, c’est la grosse différence entre le modèle américain et le modèle français. La sécurité relative qu’apporte notre système aux travailleurs et aux entreprises s’oppose à la fulgurance des start-up et à la flexibilité dont elles ont besoin. Le fait de pouvoir embaucher très rapidement ou de licencier en quelques jours est absolument indispensable à la survie de ces entreprises qui misent tout sur l’immédiat. Peut-on cependant reprocher au modèle français d’encadrer certains débordements ?

Arnaud Montebourg l’affirme. Notre modèle économique et social ne se heurte pas à l’innovation. Pour lui, à notre « Liberté – Égalité – Fraternité » devrait s’ajouter « Créativité ». Effectivement, on le sait, les français ne manquent pas d’idées, cependant on ne cultive pas le rêve comme aux Etats-Unis. Ou plutôt, on peut rêver, mais on n’imagine pas vivre ses rêves ! L’esprit d’entrepreneur est cassé par une administration poussive et des lois complexes que les services de l’Etat eux-mêmes ne comprennent pas toujours.

L’exemple concret d’Uber est arrivé durant la traditionnelle séance de questions / réponses. Uber est un service disponible sur smartphones mettant en relation les usagers du service et des conducteurs de voitures de luxe disponibles à la location. Face à la grogne des Taxis parisiens, l’Etat a obligé les VTC (exploitants de véhicules de tourisme avec chauffeur) à respecter un délai de 15 minutes avant de prendre un passager. Loïc Le Meur a ironisé sur la situation en imaginant un client attendre 15 minutes devant le véhicule venu le chercher pour respecter les délais légaux.

Et c’est là toute la difficulté de notre système, comme le souligne le Ministre : « Nous cherchons des points d’équilibre avec un ensemble de points de vue différents. (…) Il est possible de gagner de l’argent, de développer des technologies innovantes mais il faut protéger les gens qui ne veulent pas changer de peur de voir leur business détruit. » En somme, on pourrait retenir que pour protéger les dinosaures d’un secteur, on mène la vie dure aux nouveaux arrivants aux idées fraîches et aux dents longues ? Ce serait simplifier le débat à l’extrême.

Il ne faut pas oublier que les Taxis sont soumis à des règlementations lourdes destinées à protéger les clients, qu’il y a un examen à passer, que les équipements obligatoires sont onéreux et que leurs tarifs font l’objets de décrets. Bref, tout n’est pas si simple et si rose dans notre douce France. Et comment changer les choses sans s’opposer à une levée de boucliers de toute une partie de la profession ?

Notre force, la protection sociale des employés et des entreprises, est aussi notre faiblesse, un frein à une certaine forme d’innovation. Peut-on être compétitif à l’étranger dans un pays où les lois sur l’entreprenariat sont si lourdes, où les taxes sur les entreprises sont si importantes ? « On a un kilo de lois, les gens se demandent quels sont leurs droits » explique Montebourg. Est-il tout simplement possible de s’enrichir en France ? Montebourg sort la carte Dassault, plonge le nez dans ses dossiers, pour nous montrer que, chiffres à l’appui, la réussite est possible en France, il nous raconte ses voyages à l’étranger, aux Etats-Unis, en Asie, où on salue l’innovation française.

Notre protection sociale, notre toute relative sécurité face à la perte d’emploi, sont autant de gardes-fou qui, paradoxalement, nous donnent davantage la peur du vide. Notre système nous permet de vivoter, de continuer à faire comme on a toujours fait, sans se questionner sur l’avenir et l’arrivée d’une innovation qui pourrait déstabiliser notre industrie, plutôt que de relever les manches, trouver de nouvelles solutions et créer de l’emploi. Il est temps en France de changer les mentalités, de redonner le goût du risque et la fièvre de l’entreprenariat ! Rien de tel pour redynamiser un marché du travail en berne depuis si longtemps. N’hésitez pas à partager vos points de vue et à échanger dans les commentaires de cet article !

Ci-dessous, l’intervention d’Arnaud Montebourg à LeWeb13 :