A-t-on vraiment peur de l’innovation ou de l’érosion de notre génie ?
L’histoire n’a jamais manqué d’épisodes où l’arrivée d’une nouvelle technologie suscite des débats, des peurs, voire une véritable levée de boucliers. Derrière la crainte manifeste de l’intelligence artificielle en 2025, se cache-t-il seulement un refus instinctif de la nouveauté ? Ou bien une peur plus intime : celle de voir notre créativité, notre identité même, standardisée, digérée, dépassée par la machine ?
Aujourd’hui, alors que l’intelligence artificielle s’immisce partout – de la plume du rédacteur à la toile du graphiste, du studio du compositeur à la table du chef de projet – la vraie question est moins « l’IA menace-t-elle la créativité ? » que : « comment pouvons-nous, en 2025, transformer ce bouleversement en une formidable opportunité d’expression et d’innovation ? »
Plongeons au cœur d’un sujet brûlant et, peut-être, libérons une créativité plus forte que jamais.
Pourquoi l’IA nous fascine… et nous fait peur
Chaque nouvelle révolution technologique a généré ses heurts : l’arrivée de l’automobile, de la radio, de l’électricité même, chacune a apporté son lot de polémiques. Aujourd’hui, c’est l’intelligence artificielle qui occupe cette sphère du doute.
Le phénomène n’est pas anecdotique : Une enquête mondiale menée par Ipsos pour Google en 2025 indique que 57 % des personnes interrogées sont enthousiastes à propos du potentiel de l’IA, tandis que 43 % expriment des inquiétudes.
Pas surprenant, finalement : l’IA générative bouleverse les repères, abolit des frontières entre humain et machine, pose la question de la valeur profonde de l’originalité et de la paternité créative.
Dans l’entreprise comme au sein des agences créatives, deux réactions typiques émergent face à l’IA :
- Le repli de principe, avec un discours défensif sur la préservation du « vrai » talent humain
- L’utilisation frénétique de la générativité, parfois sans recul, au risque de produire des contenus interchangeables
Ce clivage traduit une tension légitime : adopter l’IA sans y perdre son âme, l’intégrer sans tomber dans le mimétisme ni l’appauvrissement. Mais si nous changions de posture ? Si, plutôt que de choisir entre peur et suivisme, nous envisagions l’IA comme un miroir de nos propres forces et failles créatives ?

Ce qui rend la créativité humaine irremplaçable
Revenons sur cette dimension que l’intelligence artificielle ne capte pas : la substance même de la créativité humaine. J’aime rappeler une évidence : depuis la nuit des temps, toute création – même utilitaire, même « fonctionnelle » – porte une dimension subjective, un élan d’individualité.
La créativité, explique Mihaly Csikszentmihalyi (psychologue et auteur du livre « Flow »), c’est « l’interaction dynamique entre la personne et sa culture, le domaine et les pairs créateurs ». Autrement dit, la créativité, ce n’est jamais juste assembler des morceaux issus du passé ou d’autres œuvres. C’est brasser une expérience intime du monde, des émotions, des intuitions, du vécu – autant d’éléments qui ne se résument pas à de la data.
Là où l’IA générative excelle, c’est dans l’agrégation, la synthèse, le repérage de patterns. Ce qu’elle n’a pas (ou pas encore), c’est :
- la subjectivité
- la capacité à l’auto-dérision
- l’intuition soudaine, le « aha moment » si humain
- le droit à l’erreur et à la tentative hasardeuse, parfois géniale
Autrement dit, si l’originalité et le génie ne sont pas des algorithmes, c’est qu’ils s’appuient sur l’imprévu, la bifurcation, le jeu inconscient de la mémoire et de l’envie. Aucun modèle, aussi affiné soit-il, n’a aujourd’hui accès à cette part de mystère.
Est-ce rassurant ? Oui. Mais attention à ne pas tomber dans la survalorisation naïve du « tout-humain »: l’IA bouscule aussi notre zone de confort pour nous obliger à repenser notre propre processus de création.
Les compétences où l’IA excelle pour stimuler la création
Il serait réducteur de faire de l’IA un simple robot de lissage, condamné à la fadeur des articles aseptisés. En 2025, les avancées de l’IA générative offrent un panel d’utilisations créatives que le manager, le marketeur ou le rédacteur aurait tort d’ignorer :
- Génération de pistes lors d’un brainstorming (avec ChatGPT, Gemini ou d’autres modèles spécialisés)
- Synthèse automatique d’informations complexes (veille, analyses concurrentielles, études sectorielles)
- Aide à la mise en forme et au rewriting (proposer des variantes de titres, d’accroches, de formulations)
- Génération d’ébauches visuelles ou sonores (Midjourney pour l’image, Suno pour l’audio…)
L’efficacité de l’IA dans la production de premiers jets, de déclinaisons rapides, ou de supports pour structurer sa pensée n’est plus à démontrer. Pour ma part, je l’utilise fréquemment comme accélérateur d’idéation, pour court-circuiter l’effet “page blanche” ou obtenir rapidement un éventail de solutions à explorer ensuite.
Certains la surnomment déjà le copilote du créatif du XXIème siècle : capable de répondre à une consigne détaillée, d’enrichir une réflexion ou d’ouvrir des pistes insoupçonnées. Encore faut-il savoir la briefer, c’est-à-dire choisir les bons prompts et ne pas attendre une inspiration pure, mais des matériaux à façonner.
Exemple concret :
Un client souhaite un article original pour lancer une nouvelle offre de consulting en management hybride. Après un brainstorming, je demande à ChatGPT trois ébauches d’intro, dont chacune se frotte à une angle distinct : l’émotion, le storytelling, la data. Je m’appuie sur ces bases pour ciseler mon propre texte, qui sera travaillé, humanisé, jusqu’à porter ma « patte« .
Au-delà de l’outil, l’art réside dans la capacité à digérer, transformer, sélectionner, dépasser ce que l’IA propose pour en faire de l’unique. C’est ici que le « maître » humain reprend la main.

Les limites (et les risques) de la créativité par l’IA
La vogue du contenu généré automatiquement n’est pas exempte de travers. Peut-être avez-vous déjà senti dans certains articles cette impression de lecture « robotique », un langage fourre-tout truffé de « leaders de demain » et autre « maximiser votre potentiel » ?
J’appelle ça la syntaxe IA :
- Phrases ultra-génériques, interchangeables
- Absence de souffle, de point de vue, de « grain à moudre »
- Développement linéaire sans imprévu ni aspérité
- Réutilisation excessive de clichés (« au cœur de l’innovation », « vers un futur meilleur », etc.)
Derrière la productivité, un réel danger : une uniformisation des contenus qui finit par lasser le lecteur, à l’instar de ces PowerPoints tellement formatés qu’ils n’inspirent plus rien.
Pire, la facilité offerte par l’IA générative peut conduire à une certaine paresse intellectuelle : on délègue l’effort de réflexion, on se contente du “prêt-à-publier”. Or, si la créativité implique effort, exigence et courage critique, comment préserver l’étincelle du sens face à la machine ?
En 2025, la réglementation autour de l’intelligence artificielle évolue rapidement en France et en Europe, notamment sur les questions de droit d’auteur et d’éthique dans la production de contenus. L’Union européenne a adopté le règlement “AI Act”, qui impose des exigences croissantes de transparence pour certains contenus générés par IA, en particulier lorsqu’il existe un risque de confusion pour le public (deepfakes, images ou textes trompeurs, etc.). Parallèlement, les débats sur le respect du droit d’auteur et la traçabilité des œuvres alimentent une vigilance accrue de la part des institutions françaises, qui publient régulièrement des recommandations ou proposent de nouveaux cadres réglementaires.
Dans ce contexte, la mention explicite de l’utilisation de l’IA (“généré” ou “édité” par IA) devient progressivement une pratique attendue, notamment dans les médias, la publicité ou l’éducation, même si l’obligation légale varie selon les secteurs et les usages.
Enfin, à mesure que les contenus générés par IA se multiplient, la capacité des créateurs à se distinguer par leur démarche, leur originalité ou la valeur ajoutée humaine prend une importance croissante. Les créateurs les plus différenciants sont ceux qui utilisent l’IA comme un outil au service de leur vision, et non comme une simple fin en soi.
Dans ce contexte, pourquoi, et comment, l’humain doit-il reprendre la main ?
Les secrets d’une collaboration créative réussie avec l’IA
Aujourd’hui, la vraie révolution ne réside pas dans l’opposition IA/humain, mais dans la capacité à jouer du « meilleur des deux mondes ».
Plutôt que de craindre que l’intelligence artificielle détruise la créativité, pourquoi ne pas y voir un amplificateur, un terrain d’entraînement pour penser autrement ?
La clé, c’est le pilotage créatif :
- Maîtriser la capacité à poser des consignes précises, ambitieuses et singulières à l’IA
- Utiliser l’IA pour provoquer le contraste, la dissonance, sortir du consensus mou
- Systématiser une phase de réécriture “humaine” pour réinjecter sa personnalité, ses références et son storytelling
Le couple humain/IA excelle dans la co-création quand la machine joue sa partition : catalyseur, multiplicateur, révélateur d’angles morts. Et que l’humain conserve la direction, le parti-pris, la liberté de bifurcation.
Astuce pratique
Vous voulez éviter la fadeur ? Demandez trois angles radicalement opposés sur un même sujet à votre IA, puis engagez un dialogue contradictoire dans votre rédaction finale.
Vous verrez : l’originalité « rebondit » sur la diversité des suggestions, pas sur la soumission répétitive à la machine.

Les bonnes pratiques pour exploiter l’IA sans sacrifier sa créativité
Passer maître en créativité à l’ère de l’IA exige plus de curiosité, mais aussi plus de discipline personnelle. Pour ne pas se laisser avaler par la machine, voici mes conseils éprouvés :
- Séparez les temps : utilisez l’IA pour entraver la page blanche, mais rédigez vos conclusions, vos analyses, vos punchlines “à froid”, sans auto-completion derrière l’écran
- Cultivez l’autocritique : repérez les tics de langage de l’IA (“pour répondre à cette question”, “au cœur de…”) et bannissez-les de votre style
- Opérez un double-filtrage : pour chaque texte généré, posez-vous la question : “Qu’apporte ce texte de non-remplaçable – point de vue, vécu, émotion, analogie ?”
- Introduisez systématiquement des anecdotes ou des références personnelles – l’IA ne peut pas inventer votre histoire, vos doutes, vos succès, vos échecs
- Mettez l’IA en contradiction avec elle-même : demandez-lui de réfuter ses propres suggestions, puis exploitez la tension produite comme point de départ
Enfin, bien utiliser l’IA, c’est aussi savoir faire la paix avec son ego créatif. Ne pas attendre d’être le “génie solitaire”, mais accepter le statut de chef d’orchestre : l’œuvre personnelle, issue de multiples sources, digérées, transcendées.
Faut-il craindre ou dompter l’IA ? Inventer la créativité hybride
Face au choc de l’IA générative, la tentation du « c’était mieux avant » est naturelle mais stérile. La vraie question, en 2025, n’est-elle pas : comment tenir la barre dans un monde où l’originalité réelle devient le critère différenciant ultime ?
La réponse se trouve, paradoxalement, dans le métissage : la créativité viendra des alliances inattendues entre capacités humaines et puissance de l’IA. Plus nous laissons l’IA générer des solutions, plus nous devons être exigeants dans l’interprétation, la sélection, la réécriture.
L’avenir des métiers du contenu, du marketing et de la communication ne sera ni 100% humain, ni 100% IA : il sera fait de combinaisons, d’hybridations, où chaque idée générée devra porter la marque d’une appropriation véritable.
En tant que créatif, votre valeur réside désormais dans votre capacité à :
- Extraire la substance, l’inattendu, dans les suggestions de l’IA
- Injecter du vécu, du doute, de l’opinion là où la machine reste neutre
- Insuffler l’émotion, la nuance et l’ironie que l’algorithme ignore
C’est ce « surcroît d’humanité », ce supplément d’âme, qui sera la clé d’une créativité différenciante à l’ère de l’intelligence connectée.
Outils d’IA créative à tester en 2025 :
- ChatGPT, Claude, Gemini pour la conversation et le brainstorming thématique
- Midjourney, Dall-E pour la génération visuelle vraiment sur-mesure
- Sora, Google VEO pour la génération de vidéos
- Suno et AIVA, pour tester la génération et l’arrangement musicaux sur-mesure
Cultivez l’art de la créativité augmentée
Vous l’aurez compris : l’intelligence artificielle ne signe pas la fin de la créativité humaine mais l’entrée dans une ère de tension fertile, de co-habitation créative. Les créateurs de demain, ceux qui marqueront la différence, sont et resteront ceux qui auront su apprivoiser, détourner, réinterpréter l’outil pour mieux affirmer leur propre voix.
En 2025, la singularité n’aura jamais été aussi précieuse. Et la vraie modernité, c’est, sans nul doute, d’oser être plus humain que jamais face à la machine – et parfois grâce à elle.
Vous souhaitez approfondir ce sujet, échanger sur vos pratiques IA ou découvrir mes dernières analyses ?

Suivez-moi sur LinkedIn : Stéphane Torregrosa et rejoignez une communauté de créateurs et de leaders prêts à construire ensemble le futur du content marketing augmenté.