Nouvelle tendance pour s’assurer le buzz sur les réseaux sociaux en tant que Community Manager, prendre la liberté de répondre avec beaucoup de légèreté. Un grand nombre s’en amuse et la popularité de telles publications est assurée.
Un exemple parmi d’autres qui date un peu, le Community Manager de Carrefour qui répond un « zbeb zbeb » à une demande de réduction d’une jeune femme sur Twitter. Je vous épargnerai la signification de l’expression utilisée, sachez simplement qu’elle est idiote et déplacée. Celle-ci a été rendue populaire par un triste personnage, Amine Mojito dont le compte est devenu « célèbre » sur Snapchat et qui humilie régulièrement des jeunes femmes. Les compteurs de like et de retweets s’affolent, opération réussie pour Carrefour ?
En terme de visibilité, c’est un succès certes, en terme d’image, c’est un peu différent. Une excellent notoriété n’assure pas une bonne image et ce genre d’opération peut l’écorner facilement. Même s’il n’y aura pas de conséquences graves, c’est l’image des magasins de la marque qui est remise en question et l’attention qu’ils portent à leurs clients. Cela doit être pris au sérieux.
Plus proche de nous, le Community manager de Netflix France a recadré un internaute qui s’offusquait de la présence de membres LGBT dans ses programmes. « Les gays ne sont pas nécessaires dans vos séries. » « T’es pas nécessaire dans nos abonnés. » La réponse du community manager de Netflix France est concise et lapidaire. Résultat : des dizaines de milliers de « j’aime », et près de 15 000 retweets.
Si certains Community Managers ont su parfois trouver des réponses humoristiques et jouer avec les demandes absurdes de certains internautes, il me semble important de s’assurer que nos réponses restent respectueuses, peu importe la nature et la tonalité de l’échange.
Le terrain des réseaux sociaux
Derrière un clavier, les attitudes changent. Les gens se sentent plus forts, plus anonymes surtout, et se permettent de se montrer plus féroces et intransigeants qu’ils ne le seraient dans la vie réelle. Ce type de comportements se retrouve des forums aux réseaux sociaux, en passant par les commentaires des blogs. Les réponses satiriques sont monnaie courante et le community manager apprend à gérer les trolls et les commentaires négatifs.
Le Community Manager ne doit pas tomber dans ces travers. Il ne faut pas oublier que vous représentez une marque, que vous avez sa réputation entre vos mains et qu’un tantinet de réserve est de mise.
D’ailleurs, ne trouverions-nous pas déplacé qu’un membre du SAV réponde de la sorte dans un magasin ou par téléphone ? Si cela est inapproprié dans une relation directe, cela ne l’est pas moins sur les réseaux sociaux. La relation client, le ton de votre communication, l’identité de l’entreprise doivent être les mêmes quelque soit le support.
Le représentant de la marque online
Le rôle du Community Manager est d’assurer la présence de la marque en ligne, de la représenter, de faire un peu de SAV et de servir d’ambassadeur des clients auprès de la marque dans certains cas afin d’améliorer l’expérience client.
Certaines marques entretiennent une tonalité très jeune, décalée, humoristique et s’amusent avec les internautes. Cela fédère une communauté et permet de faire parler de la marque. Certains CM ont réussi des coups de génie, créatifs mais … respectueux ! On se souvient tous de cet échange très drôle avec l’animateur de communauté de la Fnac.
Ces échanges sont des succès à chaque fois en terme d’audience, ils sont même repris sur certains sites qui les recensent. Chaque CM rêve d’apparaitre dans l’un de ces « Wall of fame ». Et cette course à la visibilité à tout prix entraine, selon moi, des dérapages, plus ou moins contrôlés, qui nuisent au final à la réputation de la marque.
Qu’on s’entende bien, il n’y a rien de grave, rien qui puisse entrainer un bad buzz ou un ternissement de l’image. Pas cette fois-ci en tout cas, mais peu à peu, le Community Manager acerbe finit toujours par détériorer la confiance envers la marque. Parce qu’il ne faut pas l’oublier : les réseaux sociaux ont moins besoin d’outils, de technologie et d’astuces que d’empathie, de sociologie et de confiance. Si les consommateurs ont confiance en vous, une grande partie de votre travail est réalisée.
S’il est judicieux de développer son sens de la répartie, l’équilibre entre un bon mot et une saillie tranchante est néanmoins fragile. Certains Community Manager sont devenus des experts dans ce domaine. C’est le cas de Yann qui officie chez Decathlon. En février 2019, un hashtag lui avait même été consacré : #YannPrésident suite à sa gestion calme et argumentée d’une polémique sur la commercialisation d’un « hijab de running » par la marque.
Bonjour,
— Decathlon (@Decathlon) February 26, 2019
De notre côté, nous nous concentrons sur la démocratisation de la pratique du sport. Le fait est que certaines femmes pratiquent la course à pied avec un hijab, souvent peu adapté.
Notre objectif est simple : leur proposer un produit sportif adapté, sans jugement.
Yann
À chaque fois que je vois passer des punchlines de Décathlon, c’est Yann qui les écrit. Offrez une augmentation à ce monsieur.
— Habile Fekir ⭐⭐ (@HabileFekir) February 25, 2019
Trop longtemps, les marques ont sous estimée l’importance du Community manager. Considéré au mieux comme une sorte d’animateur de club de vacances digital, il revêt une importance capitale lorsque la marque est égratignée sur les réseaux sociaux.
En août 2019, un passager publie la photo de l’intérieur d’un vol EasyJet où l’on voit un siège dont le dossier a été arraché. Alors qu’il épingle l’entreprise sur Twitter, la réaction du Community manager surprend alors énormément les internautes.
Hi Matthew, thanks for bringing this to our attention, before we can investigate this could I ask you to remove the photograph & then DM us more info regarding this, so we can best assist you. Ross https://t.co/Qq2zhBAizh
— easyJet (@easyJet) August 6, 2019
Avant même de tenter d’apporter une quelconque explication ou un mot d’excuse, le Community manager demande la suppression de la photo, comme on cacherait de la poussière sous le tapis ! Mais nous le savons tous, et il aurait du le savoir en premier lieu, on ne cache pas un cadavre sur les réseaux sociaux. Le fait de demander la suppression de la photo ajoute de la suspicion. Les réactions n’ont pas été tendres.
La première règle du community manager avant que les choses ne s’enveniment, c’est peut-être simplement de savoir présenter ses excuses. Et ceci, bien avant de trouver le bon mot ou la fine répartie car en face de vous se trouve une partie de vos clients potentiels et entre vos mains la réputation de votre marque.
Cette tendance devra trouver un équilibre avec le temps. L’humour peut être une arme efficace pour désamorcer une situation délicate et repartir du bon pied, mais jamais au détriment du consommateur !
Une réponse à “Humour et Community Management : bon cocktail ?”