J’ai fait un drôle de rêve.
Nous vivions une période étrange, où chacun était obligé de rester chez lui. De grands Messieurs avaient appelé cela le confinement.
C’était bizarre au début. On n’avait rien, donc envie de tout. Alors qu’il arrivait que la plupart des gens passent leurs dimanches avachis sur leur canapé, ils avaient subitement envie de bouger tout partout, de serrer la main de leur voisin auquel ils ne disaient jamais bonjour habituellement (bah oui, leur chien aboyait toute la journée, vous comprenez !) ou de se mettre à courir juste parce qu’ils n’en avaient plus le droit.
Et puis les jours passèrent. Par ennui, après avoir repassé l’ensemble des saisons des Anges et des émissions d’Hanouna, les gens se mirent à lire. Ils redécouvraient le plaisir simple de tourner des pages de papier, où rien n’était interactif, où il n’y avait pas de pubs agaçantes ou de choses à faire défiler. Que des pages. Sans rien de plus. Et des mots, bien sûr. Des tas de mots. Des mots partout ! Assemblés, ils formaient des histoires extraordinaires qui faisaient déborder l’imagination des grands et des petits. Alors, les gens se dirent à eux-mêmes : « finalement, lire c’est bien quand même ! » Et croyez-le ou non, ils passaient moins de temps devant leur télévision.
Et puis, coincés chez eux, ils se mirent à s’appeler les uns et les autres. L’un appelait sa maman pour prendre des nouvelles qu’il ne prenait plus depuis longtemps. L’autre renouait le contact avec un vieux pote oublié. Les gens se mirent à parler. Oh, ce n’était pas des discussions savantes, mais simplement des babillements cordiaux et amicaux. C’était déjà très bien.
Privés de l’autre, ils se mirent à l’apprécier. Étrange, non ?
Et ils ouvrirent leurs fenêtres, se mirent à communiquer entre voisins, à créer des jeux et des interactions entre eux. Julien, le gars qui habite au quatrième, vous l’avez forcément déjà croisé, se mettait à son balcon tous les jours à 16h. C’était un gros monsieur avec un banjo qui paraissait minuscule entre ses mains de géant. Il jouait de tout son coeur et les voisins fredonnaient des airs de leur enfance avec lui. Et cette chorale s’étendait de jour en jour, de rue en rue, de quartier en quartier et au bout de quelques jours, toute la ville chantait à l’unisson, tous les jours à 16h.
Doucement, la nature reprit ses droits dans le froid bitume de nos villes. De l’herbe se remit à pousser sur les trottoirs, les arbres tendirent leurs branches un peu plus loin pour accueillir plus d’oiseaux que d’accoutumée, les ruisseaux devinrent plus clairs et les animaux se mirent à fréquenter nos rues à nouveau.
Pendant ce temps, les gens comprenaient peu à peu que tout ce qui leur semblait essentiel auparavant, toutes les belles choses qui brillent n’avaient finalement que la valeur qu’on voulait bien leur accorder. Alors qu’ils n’avaient plus besoin de briller en société, ils reprirent plaisir aux choses simples de la vie. Mieux, ils avaient le plus important désormais : du temps !
Alors, la terre les regarda à nouveau avec tendresse. Et cela mes amis, ça n’était pas arrivé depuis si longtemps …